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I. Sa mise en place
En 1130, Guillaume Talvas vendit aux bourgeois d'Abbeville le droit de constituer une commune. Le 9 juin 1184, son petit-fils Jean, comte de Ponthieu leur octroya, par acte authentique, une véritable charte de franchises communales qui confirmait l'accord oral (cf. "La charte d'Abbeville"). Ce document écrit établissait clairement les droits de chaque partie. Il faut souligner que le maire alors dénommé maïeur détenait des prérogatives judiciaires mais elles côtoyaient, et étaient parfois limitées par celles du comte et de ses officiers.
Sous la féodalité, ces officiers municipaux avaient le droit de haute, moyenne et basse justice sur toute la ville, ce qui leur permettait d'avoir des fourches patibulaires, des piloris, des prisons et un bourreau.
II. Ses lieux d'exécution
De tous temps, les places publiques ont été des lieux de réjouissance. Mais elles servaient également d'emplacements pour les exécutions. A Abbeville, au Moyen-âge, on appliquait quatre sortes de condamnations capitales: on pendait, on tranchait la tête, on brûlait ou on enfouissait tout vif. Les hommes étaient plus volontiers pendus, on réservait le bûcher ou l'enfouissement aux femmes. Les exécutions se faisaient alors principalement hors des portes de la cité, pendant la nuit. Mais, au fil du temps, elles devinrent plus volontiers un spectacle et leur emplacement se rapprocha du centre-ville.
A Abbeville, différents lieux portent le souvenir de ces peines capitales:
III. Ses prisons
De la même façon qu'il existait une prison à la "Cour Ponthieu", dépendant de la justice comtale, il y avait une prison au Beffroi, symbole du pouvoir communal. Il y avait selon Ernest Prarond, une maison de force et de correction qui fut établie dans la grande rue de la pointe en 1768.
Le Collège Courbet a fermé ses portes, par conséquence de la Révolution en 1794 et a servi de prison et de tribunal civil.
Cependant d'autres, plus connues, ont perduré jusqu'au XXème siècle: la prison de la "Cour Ponthieu", la prison dite des "Carmélites" et la maison de détention de la rue Dumont.
A/ La maison d'arrêt de la "Cour Ponthieu"
Située dans la rue de la "Cour Ponthieu", ce bâtiment est construit sur une partie du château des comtes de Ponthieu. Ce château qui se trouvait dans le quartier Saint-Gilles existait depuis le XIIIème siècle.
Les détenus sont entassés dans des locaux insalubres et les maladies y sont fréquentes. En 1807, une épidémie se déclare à la prison. Il est alors impossible de mettre en place une surveillance accrue des détenus à l'hôpital. De ce fait, l'année suivante, une infirmerie sera construite à la maison d'arrêt.
Cette prison reçoit toute sorte de détenus et sert à la fois de maison d'arrêt et de détention puisqu'elle accueille, dès 1811, les détenus de la maison de détention dite "des Carmélites".
Par décret du 11 avril 1811, les maisons d'arrêts sont transformées en prisons départementales, ce qui amène le Conseil Général à en assumer la gestion.
La construction de nouveaux bâtiments permet son assainissement et la séparation de prévenus, par quartiers et par sexe, de celle des condamnés. Sa capacité d'accueil en est augmentée.
Aquarelle Oswald Macqueron-Archives municipales
En juin 1836, le Conseil Général reçoit de la commission départementale, le projet de construction d'une nouvelle prison située rue de l'Hôpital.
La maison d'arrêt de la "Cour Ponthieu" ferme ses portes en 1846. Les ruines de cet établissement, où fut autrefois située la résidence des comtes de Ponthieu, sont rachetées en 1847 par le Ministère de la Guerre puis, par le département de la Somme pour abriter les bureaux des Ponts et Chaussée, remplacés en 2007 par ceux de l'agence départementale ouest du Conseil Général situés 122, boulevard Vauban.
B/ Prison dite des "Carmélites"
Par une décision préfectorale en l'An XI (23 septembre 1802-23 septembre 1803), la maison de correction dite des "Carmélites", située sur l'ancien emplacement du couvent de ce même nom, est établie provisoirement, 34 rue Saint-Gilles.
Elle permet de pourvoir à la séparation des divers genres de prisonniers détenus à la "Cour Ponthieu".
Cet établissement ferme une première fois le 31 décembre 1810 puis est, définitivement supprimé, le 31 décembre 1820.
Décision de fermeture, "Etablissements pénitentiaires 1800-1940", Archives de la Somme
Ses prisonniers sont transférés, sous escorte de la gendarmerie, à la Cour Ponthieu le 1er janvier 1821.
Appelée auparavant rue Saint-Gilles, cette partie de la rue prend la dénomination de "Rue du Maréchal Foch" après la Grande Guerre.
C/ La maison de détention rue de l'Hôpital (Rue Dumont depuis 1881)
Le Conseil Général décide de racheter en 1838 ce qui servait de jardin à la gendarmerie pour en faire une nouvelle maison de détention, adaptée au système cellulaire, dont les peines à purger sont inférieures à un an.
Ces travaux sont réalisés dès 1840. Elle est pourvue de 33 cellules: 19 pour le quartier des hommes et 14 pour celui des femmes.
Déplacés par convois pour éviter tout risque d'évasion, le transfert des prisonniers de la prison "Cour Ponthieu" vers cette nouvelle destination a lieu le 31 mars 1846.
A la libération en 1945, la maison d'arrêt accueille près de 300 personnes, tous genres confondus (prisonniers de droit commun, détenus politiques ou résistants en attente de leur déportation ou de leur exécution, trafiquants, collabos etc.). Proférer des menaces contre l'ennemi suffisait à être incarcéré.
Photo de Marcel Colignon (au centre) prise entre 1943 et 1944
Collection privée
Après la guerre 1939-1945, les prisons sont surpeuplées, vétustes et manquent de moyens. Dès 1944, la commission Charpentier est chargée de réfléchir sur les mesures d'une vaste réforme pénitentiaire. Dans ce cadre, un certain nombre de prisons sont désaffectées.
En raison de son faible taux d'accueil (une dizaine seulement au moment de sa fermeture), la prison d'Abbeville est directement concernée.
En 1945, le département cède la propriété de la maison d'arrêt d'Abbeville à l'Etat.
Malgré l'intervention de Max Lejeune, député-maire auprès du Ministre de la Justice, la maison d'arrêt ferme le 1er décembre 1954 (à l'époque provisoirement) pour ne jamais rouvrir. Sa déconstruction ne sera effective qu'en 1976 pour y construire le "foyer-logement Robert Page".
A noter que les matériaux de sa déconstruction ont servi à faire le sous-bassement du Parking de la Bouvaque, rue Georges Deray. Les tuiles ont, quant à elles, servi pour la maison du gardien et autre édifice public abbevillois.
Dans une interview réalisée au moment de sa déconstruction, parue dans le Courrier Picard du 6 avril 1976, monsieur Noël Mangin nous donne quelques précisions quant à la configuration des lieux et relate le quotidien des détenus. Il connaissait parfaitement cet endroit puisqu'il en a été le dernier gardien, poste dont il a occupé les fonctions pendant 30 ans.
Les lieux:
Au rez-de-chaussée, le logement du gardien-chef. Un corridor mène à la chapelle, les parloirs et les magasins à vivres. Les cellules sont à l'étage.Le personnel:
Un gardien-chef, une gardienne pour les détenues et plusieurs gardiens.La capacité d'accueil:
40 hommes et 10 femmes. Seuls les cas difficiles sont isolés en cellules. Mais son impressionnant système de fermeture de porte assure une parfaite sécurité et toute tentative d'évasion est vouée à l'échec. Pendant la seconde guerre mondiale, elle accueille plus de 300 détenus, tout genre confondus pour n'être qu'à une dizaine au moment de sa fermeture.Tenue vestimentaire des détenus:
En droguet marron (tissu très épais et très chaud) avec pantalon, veste, gilet, calot rond et sabots. Robes pour les femmes.Le quotidien:
7h: réveil par le gardien et toilette à l'eau froide aux lavoirs servant au lavage du linge dans la cour.
7h 30: petit déjeuner avec café et travail en atelier jusqu'à 11 h.
11h: visites aux parloirs.
Repas suivi de 30 min de promenade dans une des deux cours ( la "promenade" consistait à tourner en rond avec interdiction de parler et de s'arrêter)
Travail jusque 17h
Repas
19h: coucherLe dimanche:
7h: réveil par un gardien et toilette
7h 30: petit déjeuner avec café et nettoyage des ateliers ou messe à 9h 30.
11 h: visites aux parloirs de 30 min pour les condamnés. Les autres y avaient accès tout les jours.
11 h 30: repas
Lecture
18h: Coucher.Le travail:
Chaque détenu possède un livret dans lequel le fruit de son travail est consigné. Les femmes raccommodent et lavent le linge, les hommes confectionnent des sacs en papiers ou des corderies. Chacun d'eux peut alors jouir de la moitié de son pécule et s'offrir quelques extras ( chocolat, vin), moyennant une taxe de 15% pour l'Etat. Le solde lui est restitué à sa libération.
Porte d'une cellule de la prison d'Abbeville 1976
Cellules à l'étage de la prison,
Courrier Picard du 12-04-1976
D'après les recherches et l'aimable autorisation de Mme Patricia Carville, présidente du club cartophile d'Abbeville et de ses environs, Assemblée générale du 10 mars 2019.
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