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Max Marius Achille Lejeune
Max Lejeune est né le 19 février 1909 à Flesselles, de Paul, 30 ans et Berthe Lejeune née Crognier, 26 ans, tous deux instituteurs aux Moulins Bleus, quartier ouvrier rattaché à la commune de l’Etoile. Il est le cadet de la famille, son frère, Michel, né en 1907 s’avère être plus calme. Elevé jusqu’à cinq ans par sa grand-mère maternelle à Long-Le Catelet, il fait preuve de beaucoup d’espiègleries et revient vivre aux Moulins Bleus sur la décision de son père.
A l’âge de 5 ans, Max voit partir son père pour la « boucherie » de 1914, comme il le dira plus tard dans son journal intime d’adolescent. Paul Lejeune est grièvement blessé et évacué à Morlaix en Bretagne. Cet épisode douloureux marquera Max dans sa façon de ressentir les choses, il devient pacifiste et patriote. Après sa tendre scolarité aux Moulins-Bleus, Max décroche le certificat d’études primaires en juillet 1921 avec mention « très bien », il rentre au lycée d’Amiens et s’affirme de plus en plus. Puis, sous l’appui de son père, devient étudiant à la Sorbonne en novembre 1928.
Il s’engage à l’âge de 20 ans à la SFIO, devient secrétaire du groupe des étudiants socialistes de Paris. En 1936, il devient un des plus jeunes députés du Front Populaire.
Mobilisé en 1939 sur sa demande, il est fait prisonnier en juin 1940 et ne peut participer au vote conférant les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain qu’il désapprouve complètement. Il le fait bien savoir, prenant partie pour De Gaulle, tentant de s’évader à plusieurs reprises. Cela lui vaut des représailles, notamment d’être envoyé au camp IV C de Colditz, près de Leipzig d’avril 1941 à mai 1942, un camp de détention punitif. Il s’engage à sa sortie dans la Résistance où il établit son propre réseau et une liaison avec la France Libre.
Il fut plusieurs fois ministre lors de la IVème et de la Vème République :
Député alors jusqu’en 1977, il devient ensuite sénateur jusqu’à son décès en 1995.
Il fut également un des principaux acteurs du département de la Somme puisque Président du Conseil Général de 1947 à 1988 et surtout maire d’Abbeville de 1947 à 1989, une longévité record de 42 ans. C’est sous cette étiquette que cet article lui est consacré.
« MAX » décède le 23 novembre 1995 à Abbeville et repose au cimetière de Longpré-les-corps-saints.
Strictement pacifiste dans les années 30 jusqu’à la déclaration de la guerre, Max Lejeune a toujours privilégié l’entente des peuples et milite activement pour éviter la course à la guerre, une deuxième boucherie comme celle de 14-18, dont son père Paul a fait les frais en novembre 1914.
Mais la déclaration de guerre le change totalement. Pacifiste mais pas antimilitariste, il souhaite partir sous les drapeaux malgré son statut de parlementaire qui lui confère une certaine liberté et réclame à être mobilisé au front. Décembre 1939, il rejoint la ligne Maginot à Thionville. Détenteur d’un laisser passer permanent, il fait de nombreux aller retours à Paris pour assister aux séances de la Chambre des Députés.
Le 10 mai 1940, le député de la Somme se trouve justement en permission à Paris mais il choisit de repartir au plus vite au front rejoindre ses camarades, laissant son épouse Andrée et ses deux jeunes enfants Jean-Jacques et Marianne. Défendre son pays est pour lui d’une importance capitale : « La France d’abord !»
En 1940, Max Lejeune refuse la défaite et s’insurge contre les Allemands malgré son sens pacifiste. Il refuse de s’allier au Maréchal Pétain et de se plier aux exigences allemandes. Pour lui, la guerre est loin d’être terminée et ne peut se conclure sur une « honteuse armistice ». Pour lui, les Allemands seront défaits, c’est juste une question de temps, il faut continuer la lutte. Cet état d’esprit tout à fait Gaullien laisse à penser qu’il a entendu à la radio l’intervention du Général le 18 juin.
Max Lejeune refuse donc de déposer les armes et entre dans une longue période de captivité. Il arrive d’abord au camp de Nienburg-sur-Weser, près d’Hambourg et refuse toujours la supériorité du Maréchal Pétain, s’insurge, s’évade et cela lui vaut d’être envoyé au camp punitif de Colditz, près de Leipzig, puis à Lübeck, un camp de détention réservé aux détenus politiques, aux candidats à l’évasion et aux fortes têtes. Il restera résistant et anti-pétainiste jusqu’à la fin.
Max Lejeune est libéré le 2 mai 1945, rapatrié en France le 30.
Il revient à Abbeville le 9 juin 1945, accueillit comme un véritable héros à la gare par Paul Bénard mais peine à reconnaître sa si jolie ville de cœur.
Il est élu maire en 1947 et prend donc inévitablement pour mission de reconstruire la ville, SA ville.
C’est donc à Max Lejeune qu’incombe la très difficile tâche de reconstruire la ville d’Abbeville. Cela lui demandera plus de deux mandats.
Il a d’abord fallu déblayer toutes les ruines, ceci déjà depuis 1940 tout en relevant les surfaces des maisons détruites avec nombre de pièces, de fenêtres etc… Ceci afin d’évaluer la valeur des biens puis détourner et canaliser plusieurs rivières afin d’éviter crues et inondations dont Abbeville était auparavant souvent victime. Dans ces ruines, pavés, briques et pierre sont stockées afin de resservir à ce qui peut l’être. Puis refaire les voies afin de faciliter la circulation. En quatre ans, cinq ponts seront reconstruits sur la Somme.
A noter qu’un premier PAEE (Projet d’Aménagement d’Extension et d’Embellissement) élaboré par Jacques Gréber a vu le jour en 1932 : c’est le 1er plan Gréber. Malheureusement, il n’a jamais eu le temps d’être réalisé. Dès 1940, il s’en inspire tout naturellement pour mettre à jour le « 2ème plan Gréber », le Plan de Reconstruction et d’Aménagement (PRA) de la ville. Le plan de circulation est recalculé et le style architectural de la grande place mêle régionalisme et « beaux-arts ». Après la libération de la ville et la démission de l’administration communale sous l’Occupation, le 2ème plan est approuvé le 11 janvier 1946.
Revenons en 1940.
Ce n’est qu’après ce long travail de fourmi que l’on peut finir de déblayer les ruines et mettre en route les nombreux baraquements de bois afin que la ville ne meure pas et continue son semblant de vie grâce aux commerces ainsi relogés.
En janvier 1941, la cité jardin se dresse sur les pelouses de la Porte Du Bois, bâtie avec la récupération des matériaux à même les ruines.
1944. La ville est libérée grâce aux Polonais, l’occupant part, les bombardements sont finis mais la ville n’est que ruines, boue, obscurité, pillages, sans éclairages, peu de commerces, sans gaz, sans électricité, sans téléphone, sans trains….
1945. Le 2 mai, Max Lejeune est libéré et revient sur Abbeville le 9 juin. La plupart des Abbevillois sont sans abri et il faut les reloger.
1946. Le plan Gréber est adopté.
On met en route une première tranche d’« immeubles d’Etat » ( bâtiments destinés à reloger les sinistrés sans attendre le remembrement). Il s’agit des ISAI (Immeubles Sans Affectation Immédiate), la Cité Leday, le Champs de Mars (LOPOFA, LOgements POur FAmilles), cité des cheminots (financée en partie par la SNCF).
En octobre, la sucrerie détruite le 10 mai 40 est reconstruite.
La rue Saint Vulfran est réparée avec de vieux pavés. La Collégiale commence sa consolidation grâce aux tailleurs de pierre de renom de l’entreprise Charpentier.
1947. MAX Lejeune devient maire d’Abbeville.
La place du Pilori change complètement de visage. La statue de Boucher de Perthes, enlevée en 1942 par les Allemands manque cruellement. On abat les arbres qui s’en trouvaient de part et d’autre, les massifs et les bancs disparaissent.
1948. Les grandes lignes de circulation sont tracées.
Le 8 mai, date commémorative, Vincent Auriol président de la République, René Coty ministre de la reconstruction et de l’urbanisme et Max Lejeune maire inaugurent ensemble la pose de la première pierre de la reconstruction d’Abbeville sur le parvis Saint-Vulfran.
On détourne également les rivières qui passaient en centre-ville : Scardon, Sautine, Novion, Eauette et Hôtel-Dieu se retrouvent dans un canal de dérivation longeant le Boulevard de la République pour passer sous la place de Verdun et ensuite se déverser dans la Somme.
Le monument des déportés et fusillés de la place du Pilori est inauguré par Max Lejeune alors secrétaire d’Etat aux forces armées qui remet dans le même temps la légion d’honneur à la ville.
1949. Achèvement des ponts Talence, Ledien, Hocquet et Portelette.
1950. Etude de la construction du futur palais de Justice en lieu et place de l’ancien détruit puisque la prison, juste derrière est en activité, ainsi que la réfection des trottoirs.
Un grand baraquement en bois, lieu de culte provisoire est installé Boulevard Vauban afin de « remplacer » Saint-Gilles et Saint-Vulfran en travaux de restauration.
45 maisons se construisent avenue du Champs de Foire.
L’ Hôtel de France et de la Tête de Bœuf réunis se termine, donnant à la place du Pilori son visage définitif.
Au bout de la chaussée Du Bois, les magasins rouvrent petit à petit à l’approche des fêtes.
1951. La cité scolaire débute.
Fin de la reconstruction des rues des Minimes, de la Tannerie, du Champ de Foire, et de la Chapelle Notre-Dame de France rue des Minimes.
La visite du ministre de la reconstruction et de l’urbanisme Eugène Claudius-Petit va changer le cours des choses. En effet, le plan Gréber trop monumental et onéreux pour la ville est stoppé. Il désigne alors Clément Tambuté comme architecte reconstructeur et son plan est alors « voté » le 21 janvier 1951. Voté ? ou imposé ? Il faut dire que refuser le plan « Tambuté » signifie la renonciation aux subventions dont la ville avait pourtant grand besoin pour se relever. Donc … L’administration communale n’a pas eu d’autres choix que de l’accepter.
La brique et le béton prédominent alors sur la pierre. Des immeubles ponts naissent autour de la toujours nommée place de l’Amiral Courbet et enfermant la Collégiale dans un écrin rendant impossible le recul nécessaire à sa contemplation intégrale.
On achève également le pont des Près (ancien Pont Levis) et la rue Boucher de Perthes.
1952. Les Abbevillois ont fort besoin de se distraire après tant d’années noires. Des défilés de haute couture sont organisés à l’Hôtel de France, des foires exposition, des concours hippiques, le Tour de France passe. La Féria et le Chanteclerc battent des records de fréquentation.
Le Palais du vêtement rouvre ses portes, la rue Saint-Vulfran s’est complétée en commerces, le premier bateau entre dans le port.
1953. Année calme et transitoire.
1954. La caserne des pompiers et le marché couvert sont sur pied et l’amiral Courbet « déménage ». Tout un symbole de la ville auquel les Abbevillois sont très attachés doit partir pour laisser place au futur palais communal. Les reconstructeurs l’ont décidé ainsi. L’amiral ne pointera plus son doigt vers la gare comme aimaient le dire les abbevillois mais vers son ancien emplacement désormais. Il est tracté vers une petite place secondaire non loin de la maison natale de son bien illustre incarnation.
Inauguration du musée Boucher de Perthes dans ce qui reste de l’ancien Hôtel de Ville. Les collections de Boucher de Perthes se situaient jusque là chez lui à l’hôtel de Chépy, lui aussi incendié.
La ville se dote d’une plus grande bibliothèque, d’une école de beaux-arts.
Le 22 août ont lieu les premières et dernières fêtes mariales d’après-guerre, monumentales.
Ouverture du restaurant panoramique « Le Chateaubriand » dans l’un des fameux ponts de briques dessinés par Tambuté.
La rue du Maréchal Foch se remplit de commerce à son tour.
Octobre 1954, Jean Berthoin, ministre de l’Education Nationale vient inaugurer l’école Jean Zay et poser la première pierre de l’école maternelle rue Jean Macé.
1955. Fin des travaux à l’Arsenal, impasse des Postes et Champs de Mars.
Inauguration des Nouvelles Galeries (Monoprix).
On commence à dessiner les plans de la gare routière et de l’hôtel de Ville.
Inauguration des rues Talence, Chevalier La Barre, Hôtel-Dieu, Lefébure de Cerisy (jusque là place), place Bonaparte, parvis Saint-Vulfran, passages du marché aux herbes, Barbafust, rue du pont d’Amour, place des Jacobins, place du Grand marché, rues Firmin de Touvoyon, des Lingers, du Beffroi, Jean de Ponthieu, passages de la Boucherie, de la Haranguerie, du Limaçon, de la Chevalerie, Le Guindal (ISAI), Moulin du Roy, de l’Eauette, Canteraine, de Menchecourt, des Collèges et du Moulin Quignon.
Jumelage avec la ville de Rochester.
1956. Fin de la place au bien joli nom de « la Libération »
Inauguration du Ponthieu en remplacement du Stella-Palace détruit le 20 mai 1940.
Inaugurations de l’avenue du Champ de Foire, des rues du 128ème RI, 3ème régiment à cheval, Paul Delique, Pierre Sémard et de la place de l’Hôtel de Ville en remplacement de la place de l’Amiral Courbet.
1957. Inauguration de « Le Paris », cinéma de la chaussée Du Bois.
Première rentrée scolaire au Lycée Mixte d’Abbeville, réunion des collèges Courbet et Jules Ferry qui prend le nom de Boucher de Perthes.
Le 13 octobre, Max Lejeune pose la première pierre du « palais communal ».
1958. Les trottoirs sont terminés.
1959. On inaugure la salle des fêtes.
Cette année-là, le Carnaval d’été vient ensoleiller la commune : une immense fête composée de 22 chars, 56 groupes costumés et 400 participants.
Inauguration des HLM Argillières et Menchecourt.
La gare routière est terminée. La restauration de Saint Sépulcre et Saint-Jacques commence.
1960. Acquisition par le diocèse d’une chapelle avenue du Champs de Mars pour seconder Saint-Gilles, toujours en travaux et suppléée par le baraquement de bois : ce sera Saint-André.
Début de construction pour une piscine municipale et centre de loisirs de plein air (Robert Viarre).
Des zones industrielles se montent route du Crotoy et en haut de la rue du Château d’eau.
La place de la Libération s’embellit d’un joli bassin avec fontaine et saules en parallèle de la fin de l’hôtel de Ville. Celui-ci est inauguré le 9 octobre en grandes pompes par la fête de la Renaissance.
La seconde reconstruction de la ville (la première ayant eu lieu après la première guerre mondiale) s’achève donc officiellement en juillet 1960 avec l’inauguration de ce nouvel hôtel de ville, un palais communal au Beffroi contemporain.
Je dis volontairement « officiellement » car reste encore certains éléments à venir :
Le clocher de l’église Saint-Gilles en 2019 ????
Maire Lejeune fut un maire exemplaire pour la ville d’Abbeville à la longévité certaine. Une des explications de cette longévité est mise à part la reconstruction, le fait du cumul des mandats. Ministre, sénateur et député, Max en avait joué pour tisser des liens, des relations et défendre au mieux sa ville. Ainsi, cette ville d’importance moyenne a accueilli plusieurs chef d’Etat : Vincent Auriol en 1948, Charles De Gaulle en 1964 et François Mitterand en 1985. Entre 1947 et 1989, le Tour de France est passé 11 fois,
Max Lejeune avait ainsi une place prépondérante dans le cœur des Abbevillois, proche des associations, proche des anciens combattants, proche de ses municipaux.
Néanmoins battu par l’équipe de Jacques Becq en 1989, il continue à siéger au conseil municipal et bénéficie toujours d’une certaine popularité sur Abbeville.
Le 23 novembre 1995, des milliers d’ Abbevillois et des alentours viendront se recueillir à la mairie d’Abbeville, lui rendant ainsi hommage dans le palais communal qui lui était si familier.
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